"(san-skri. Sanscrit sanskrita, parfait), adj. La langue sanscrite, l'ancienne langue des brahmanes, langue sacrée de l'Indoustan.*Sm. Le sanscrit, la langue sanscrite."
Ceci est la définition de Littré, abrégée par A. Beaujean.
Le Sanskrit fait partie de la famille des langues Indo-Européennes, comme le grec, le celte, le français... Toutes descendent d'une proto-langue dont on ne trouve pas de trace concrète, mais qui a été partiellement reconstituée par les philologues. Pour plus de détail sur les langues indo-européennes, voyez un tableau très détaillé et commenté sur le site de l'université canadienne de Laval.
Quelques exemples de rapprochement:
racine KR- (prononcez KRI, c'est un "r voyelle"): elle signifie FAIRE, dans le sens le plus large du mot. En français, elle est devenue... CRÊER.
verbe BHR- (prononcez B'HRI): signifie PORTER. Vous retrouvez son équivalent:
En grec: PHERO
en latin: FERRE
en gaëlique: BHEIR
en anglais: to BEAR
en allemand: BAHREN
en français: FÉRIR ("sans coups férir")
en persan: BORDAN
C'est dans cette langue qu'ont été écrits les grands textes de l'Inde: les Védas, les Upanishad, le Mahâbhârata, ... A l'époque du Bouddha (il y a 2500 ans), le Sanskrit était déjà concurrencé par les prâkrits (langues vernaculaires, ce que le grec appelle koïnè), dont le pâli, langue du canon bouddhique.
Néanmoins la "langue divine" a survécu jusqu'à nos jours, et elle est encore utilisée par les lettrés, comme le grec et le latin l'ont été longtemps en Europe.
Le gouvernement indien a d'ailleurs proclamé l'année 5101 (qui commençait le 18 mars 1999) "Année du Sanskrit".
L'alphabet sankrit est composé de 48 phonèmes, classés dans des ordres différents suivant les écoles. Celui que j'utilise ici est employé par Pânini. Il se présente ainsi:
9 VOYELLES simples et doubles
4 DIPHTONGUES
2 phonèmes accessoires
2O OCCLUSIVES et 5 NASALES, classées en 5 séries, dites varga, comprenant chacune: 2 sourdes (non-aspirée et aspirée), 2 sonores ( d° ), 1 nasale :
- gutturales (ka-varga)
- palatales (ca-varga)
- cérébrales (t.a-varga)
- dentales (ta-varga)
- labiales (pa-varga)
4 SEMI-VOYELLES
3 SIFFLANTES
1 ASPIRÉE PURE
Je vous propose un tableau résumant ces notions de manière claire.
Sous ce nom barbare se cache une simplification: un alphabet romain augmenté de signes diacritiques, qui permet de transcrire la Devanâgarî sous une forme facilement lisible pour des européens.
Quelques exemples:
les voyelles longues portent un trait supérieur : |
les cérébrales portent un point au dessous, pour les différencier des dentales : |
de même les semi-voyelles qui peuvent faire confusion : |
et les 3 sifflantes se distinguent aussi : |
enfin les 2 phonèmes accessoires, l'anusvAra : et le visarga : |
Evidemment, nombreux sont les textes où vous rencontrerez des transcriptions approximatives; même dans les ouvrages spécialisés anciens, il existe des graphies différentes, mais les auteurs ont eu à coeur de les décrire en début d'ouvrage. En général.
L'écriture dite "translittération" est utilisée dans le monde entier aujourd'hui.
Le Sanskrit compte environ 800 RACINES. C'est peu, mais la grande diversité des préfixes, affixes, suffixes, désinences, aboutit à un vocabulaire d'une très grande richesse, propre à exprimer les idées les plus subtiles.
Voici un exemple, la formation du mot "UPANISHAD" :
upa- | ni | -shad |
---|---|---|
mouvement d'approche, avec une notion de respect | mouvement vers le bas | s'asseoir |
Venir s'asseoir avec respect au pieds du maître pour écouter son enseignement, d'où: l'enseignement ainsi reçu. |
Plusieurs racines, plusieurs préfixes et/ou suffixes peuvent se combiner.
Les désinences renseignent sur les genre, nombre et cas (déclinaisons) et sur les personnes, genre, temps, aspect, ... (conjugaisons) [Pour celles-ci, on attendra que je sois un peu plus avancée pour me demander des détails!]
Pour ce qui est des déclinaisons, le Sanskrit a "l'éxubérance des langues jeunes" :
3 GENRES: masculin, féminin, neutre;
3 NOMBRES: singulier, duel, pluriel;
8 CAS: nominatif, accusatif, instrumental, datif, ablatif, génitif, locatif, vocatif.
Ce qui veut dire 72 formes dans les meilleurs cas! Heureusement, un certain nombre sont similaires. Mais bien sûr, il y a des déclinaisons différentes, en -a, en -î, en û, etc...
Le DUEL est important en Sanskrit; loin d'être résiduel, comme en grec, il est systématiquement employé pour tout ce qui va par deux. Je pense qu'on retrouve ici la notion de la création cosmologique: le UN (Brahman, Unique Réalité, ISvAra, ...) se scinde en DEUX (yin-yang, hermaphrodite alchimique, ...) pour se manifester dans la MULTIPLICITÉ ("les 10.000 choses").
C'était plus vrai encore autrefois, tout comme les textes grecs anciens étaient écrits d'un seul bloc, sans séparation ni ponctuation.
Par la suite, on a admis quelques règles simples :
La "barre" supérieure s'interrompt, et les mots sont donc séparés, quand :
le premier se termine par:
- une voyelle,
- un anusvâra: M'
- un visarga: H' (à condition que celui-ci ne "tombe" pas, suite à une des nombreuses règles de samdhi!)
et le second commence par une consonne.
Par exemple, le second vers du 40ème Sloka du 2ème chapitre de la Bhagavadgîtâ, mantra que j'affectionne particulièrement:
Les deux premiers mots sont liés: svalpamapyasya
puis on a dharmasya - trâyate - mahato : ici, un visarga qui se change en voyelle, mahatah' devient mahato
et bhayât.
Le tout donne en Devanâgarî :
"Même un peu de ce dharma protège de la grande peur"
Ajoutons que les initiales et finales de chaque mot influent les unes sur les autres, apportant de nombreuses modifications; d'où la première difficulté en lecture - reconnaître chaque terme et restituer sa forme originale.
Cette syllabe sacrée se retrouve partout dans les textes et mantras. C'est un salut aux divinités, car elle porte une signification très profonde.
Faisons une petite expérience: fermer la bouche, et essayez de dire quelque chose... Vous avez dit "mmmmhhhh", n'est-ce-pas? C'est le son même du silence!
Seconde expérience: entrouvrez la bouche, sans faire d'effort (vous n'êtes pas M. Jourdain), et laissez le son sortir naturellement: cela donne quelque chose entre le A et le O.
C'est exactement ainsi que se prononce le OM, parfois écrit AUM: on ouvre la bouche, on expire en la refermant progressivement, et on laisse le son mourir de lui-même.
C'est l'image du monde manifesté, extérieur, qui se résoud peu à peu dans le monde intérieur, subtil.
La Mandyukapanishad explique que OM symbolise les 4 état de l'homme: la veille, le rêve, le sommeil profond, et l'Éveil. Elle dit que le premier état est contenu dans le suivant, et ainsi de suite jusqu'au dernier qui les contient tous, comme les 4 quarts d'une pièce de monnaie...
Pour les scientifiques ("encore du mysticisme new-age à deux sous!"), ils peuvent observer le mot OM à l'envers, chez tout bébé qui commence à s'exprimer: le M encore informe s'ouvre sur le monde en un O/A éclatant. C'est comme cela qu'on apprend à dire... Maman. Vérifiez dans toutes les langues du monde, la forme de ce mot unique est presqu'universelle, dans le langage enfantin, mais aussi dans la langue adulte: MATA (sanskrit), MATER (latin, grec), MUTTER (allemand), MOTHER (anglais), OUM (arabe), MADAR (persan), MAMM (breton), MAT (russe).
C'est la première personne du singulier, JE. Il est formé du premier phonème de l'alphabet Devanâgarî, A et du dernier, Ha, augmentés de l'anusvâra M'. Il représente ainsi "l'alpha et l'oméga" de cet alphabet, et symbolise le Dieu créateur.
AHAM conclue la psalmodie de l'alphabet.